Présentation

     Le présent site reprend la presque totalité de mes publications et offre, pour celles qui ne sont pas sous droits, la possibilité d’y accéder “en un clic”.
     La totalité, j’y tenais absolument, pour que chacun puisse y accéder quand il en a envie. Tout ce que j’ai écrit l’a été uniquement pour être lu, s’adresse à cet interlocuteur potentiel et inconnu que constitue chaque lecteur. Dès que j’ai été à l’école j’ai voulu être instituteur, dès que je suis arrivé au lycée j’ai voulu être professeur de lycée, en fac prof de fac, etc., pour faire partager l’enthousiasme et le plaisir que j’avais eu à découvrir ce que mes professeurs m’avaient enseigné.
     Lors de la rédaction de ma thèse d’Etat, estimant qu’une thèse non publiée, sous une forme ou une autre, ne servait à rien, ni à personne d’autre qu’à son auteur, j’avais veillé à ce qu’elle soit aisément publiable, et lisible, c’est-à-dire de dimensions raisonnables. Je l’avais conçue pour qu’elle puisse être scindée en 2 volumes autonomes, l’un théorique, l’autre d’application, illustrant ma méthode consistant à “réécrire” les grammaires, ce que je faisais depuis près de dix ans. Cela a donné d’une part Les parties du discours. Sémantique et syntaxe, aux PUF (1989), et d’autre part Problèmes de sémantique et de syntaxe en palau, aux Editions du CNRS (1991), ce dernier ouvrage entièrement conçu à partir de la monographie L. S. Josephs parue en 1975, Palauan Reference Grammar, dont l’auteur m’a fait l’honneur extrême de consacrer à mon propre livre un “Review article” élogieux. Je ne saurais lui exprimer assez ma reconnaissance après tant d’années. J’avais, heureusement, déjà rencontré, dans les années qui avaient précédé, le soutien de Jean Perrot, Georges Haudricourt, Françoise Bader, Claude Hagège et d’une manière générale de l’auditoire du séminaire de Cl. Hagège à l’EPHE ou des séances de la SLP.
     Par la suite, j’ai adopté une stratégie de publication consistant à exposer mes idées sous trois formes successives : d’abord dans des “Papers” de dix-douze pages – c’était une nécessité quand les organisateurs de journées, de colloques, etc. demandent à l’orateur, éventuellement sans l’avoir prévenu à l’avance, de rédiger un texte –, puis dans des Articles, d’une cinquantaine de pages ou plus, dans le cas du BSL ou de Lalies, et enfin dans des Livres, seul lieu où les idées peuvent faire réellement système. Cela explique les nombreuses redites, qui ont au moins deux avantages : 1) celui de suivre la façon dont se sont formées les idées, 2) celui de les présenter dans des formats différents plus digestibles, ou pointant dans des directions différentes.
     Il n’était pas question de corriger, j’avais dit ce que j’avais à dire, et de la façon que je pensais la meilleure, du moins à l’époque où je l’ai dit. Quant à ce qui n’était peut-être pas parfaitement au point faute de temps ou pour n’y avoir pas assez réfléchi …, cela avait bien dû avoir le temps d’être modifié depuis … Aucune envie de statufier une version ne varietur. De plus, quand j’ai commencé à envisager de réunir une sélection d’articles dans un recueil style Scripta minora, j’ai pris conscience qu’un tel recueil devrait encore être payant, et que la plupart de mes articles, surtout ceux publiés dans le BSL, les MSL, ou publiés chez Peeters, ou imprimés par l’imprimerie L’Orientaliste, étaient déjà parfaitement publiés.
     La possibilité de tout reproduire sur un “site perso” m’est apparue alors la solution miracle, mais je connaissais mon incapacité. A peine ce projet irréalisable évoqué devant elle, ma collègue et amie de longue date (depuis son arrivée jadis à l’université de Strasbourg comme ATER), Injoo Choi-Jonin, depuis professeure à Toulouse et récemment jeune retraitée, s’y est mise sans me le dire : en trois semaines, elle a appris comment on fabrique un site (Hostinger/Wordpress), ce qu’elle n’avait jamais fait, un challenge comme disent les sportifs, et une semaine après, la surprise, le site était là, tel que vous le voyez et pouvez l’utiliser. Qu’elle trouve ici l’expression de toute ma reconnaissance et celle de tous les futurs utilisateurs.
     Quand j’ai commencé à relire des textes que je n’avais pas ou guère relus depuis que je les avais écrits, j’ai été frappé par l’incroyable largeur d’esprit, à en juger par ce qu’on lisait ailleurs, dont avaient fait preuve les maîtres qui avaient accepté de les publier et de les encourager, G. Haudricourt, J. Perrot, B. Pottier, Cl. Hagège et les autres ! Puissent les jeunes d’aujourd’hui, les “nouveaux”, bénéficier, en cette époque de comités de rédaction et de lectures hypocritement “anonymes”, de la même compréhension et de la même liberté!

Alain Lemaréchal

 

 

     Alain Lemaréchal est né le 18 février 1946 (à Paris, 15ème arrdt.). Élève à l’école primaire communale (rue Rouelle, Paris 15) où il apprend à lire, puis études secondaires au lycée Buffon, hypokhâgne et khâgne au lycée Henri IV, études supérieures à la Sorbonne : lettres classiques (licence à 4 certificats), certificat d’études indiennes (Louis Renou et Armand Minard), diplôme d’études supérieures (Mémoire, dir. Pierre Chantraine). Il obtient l’agrégation de grammaire en 1968.     
     Et la carrière qui s’en suivit : professeur de lycée à Noyon, puis à Brunoy (1968 à 1990). Il abandonne très vite une thèse de 3ème cycle sur l’opposition verbo-nominale sous la direction d’un épigone de Martinet, il fuit l’atmosphère étouffante de son séminaire comme il avait fait de la khâgne, et pour les mêmes raisons. Il n’a plus guère de contact avec l’Université. Jusqu’à ce qu’Annie Rialland lui signale l’arrivée aux Hautes Études d’un jeune spécialiste de la variété des langues, un “nouveau”, Cl. Hagège. Après des publications encouragées par Jean Perrot, Georges Haudricourt, Guy Serbat, et après la soutenance d’une thèse d’Etat (sous la direction de Claude Hagège), il devient, soutenu par Huguette Fugier, professeur d’Université à l’Université de Strasbourg (linguistique française, puis linguistique générale), puis professeur de linguistique générale et typologique à la Sorbonne (Paris IV), directeur d’études cumulant à l’Ecole pratique des hautes études EPHE-PSL (4ème section).
     Il est élu membre en 1995, puis président du CNU (7ème section, Sciences du langage) en 2003.
     Il est trésorier, puis secrétaire adjoint (responsable des Journées d’étude de janvier et des Mémoires (MSL) qui en constituent les Actes, 7 vol. parus), et secrétaire de la Société de Linguistique de Paris (chargé du 1er volume du BSL et de la “Collection linguistique” de la SLP, 11 vol. parus).

      Après l’agrégation, AL entreprend ce qu’il se plait à appeler son “tour du monde des grammaires” (langues africaines, langues des Philippines, chinois, hongrois, oubykh, etc.) selon une méthode qui consistait non seulement à les “lire” (cf. la célèbre question de Bloomfield à Hockett: “Can you read a grammar?”), mais à les réécrire complètement selon un cadre personnel (qui préfigure le cadre théorique développé dans ses recherches futures). Dès le début, il a milité en faveur d’une linguistique de la diversité des langues traitant sur un pied d’égalité toutes les langues quelles qu’elles soient, et qui ne renonce pas pour autant à l’abstraction nécessaire à toute généralisation et à toute théorisation. Dès ses premiers travaux (Enigmes à Palau. Vers la fin de la linguistique coloniale, 1979 inédit), il entendait par là lutter contre l’ethnocentrisme des descriptions et des théories.   
     Les hasards de la vie lui font rencontrer le linguiste
Paul Helmlinger. Il s’est ainsi, un temps, intéressé plus particulièrement aux langues africaines ; il a travaillé à Paris avec des informateurs sur le kinyarwanda, le more, le gulmancema. Mais la véritable source de son goût pour les langues et les grammaires, ce fut avant tout la découverte, avec fascination et enthousiasme, du latin en classe de 6ème et du grec en classe de 4ème, qui, dans le milieu strictement francophone qui était le sien, lui sont apparues comme le comble du dépaysement et de l’exotisme, le latin avec ses déclinaisons, et le grec avec les rudiments d’analyse morphologique des formes verbales (et leurs contractions) et les rudiments, à peine esquissés, de grammaire comparée, ce dont les meilleurs professeurs n’omettaient pas d’accompagner leur enseignement.
     La carence en professeurs remplaçants de mathématiques en 4ème et 1ère l’oblige à renoncer à un cursus scientifique avec lequel il hésitait encore et par là a décidé de son avenir.

      AL s’est d’abord fait un nom comme tesniérien. Il s’agit d’un Tesnière revu et corrigé :  
– définition des parties du discours fondée non sur un cadre abstrait a priori, mais sur leur distribution et, par conséquent, sur l’Analyse en Constituants Immédiats (version Hockett),
– théorie de l’ “orientation” héritée de la théorie tesniérienne de la valence, mais distinguant clairement rangs dans la hiérarchie actancielle, rôles sémantiques et spécifiant les marques qui les distinguent les uns des autres.
Il conserve la notion de translation et en fait grand usage, en en étendant même l’application à tous les niveaux de constituance, etc. Tout cela reste toutefois encore d’esprit foncièrement tesniérien.
     AL s’est intéressé également à l’ “histoire des idées linguistiques” et a participé activement au séminaire de Jean Lallot à l’époque où ce dernier préparait son édition commentée de la Syntaxe (
Peri suntaxeos, “De la construction”) d’Apollonius Dyscole, et il a été un fidèle des réunions du samedi matin autour de Sylvain Auroux.
     Afin d’étendre la comparaison à des langues de types de plus en plus divers, AL a ressenti la nécessité de gravir des degrés d’abstraction supplémentaires en étendant d’abord la notion de prédicat (au sens sémantico-logique du terme) à tous les niveaux de constituance. Il a, par la suite, largement recours à des notions comme celles d’ordres d’entités et de calcul empruntées à Lyons 1977 – au nombre de trois chez Lyons –, auxquels le linguiste de l’Ecole d’Amsterdam Simon Dik propose d’ajouter un 4ème ordre voué à l’énonciation (actes de langage et types d’énoncés) – AL y inclut quant à lui tout ce qui relève des Univers de discours de Robert Martin, et il propose même d’ajouter un 5ème ordre pour les Univers de croyance du même auteur (voir, ici-même, l’art. n° 66 de 2022
: “Des prédicats à perte de vue (Ryle 1933), pour quoi faire ?”).

      Tout cela, confiant dans la force heuristique insurpassable de la théorie saussurienne du signe, signifié et signifiant + système d’oppositions, et rien d’autre : à tel signifiant, tel signifié, et inversement, à tous les étages, du texte au sème.